Le secteur des TIC devrait s’inscrire dans un contexte de nouvelles infrastructures plus performantes

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Dans le contexte de la concurrence accrue, résultant à la fois de la montée en puissance d'acteurs issus de pays émergents, et de nouveaux entrants (sur des marchés comme les télécom, l'IT ou l'énergie), la capacité à maîtriser la relation nécessite de rendre l'expérience client la plus fluide possible. Pour y arriver, il faut prendre en compte à un rythme accéléré des technologies nouvelles (comme les tablettes, les murs et les bornes interactives, la 3D, smart grids), des usages nouveaux (réseaux sociaux). C’est dans cette optique que M. Philippe Ausseur a tenté de nous éclairer sur de nombreux points ayant trait au développement des nouvelles technologies de l’information et de la communication.

-Mobilealgérie.com : Au début, vous êtes Directeur de l’activité Conseil pour la France, l’Algérie et le Luxembourg, peut-on avoir un aperçu sur le travail que vous accomplissez en Algérie ?

-Philippe AUSSEUR: -La vocation d’Ernst&Young – partout dans le monde – est d’accompagner le développement des clients et des marchés et d’apporter des solutions de qualité et de confiance. C’est la raison d’être de notre filiale algérienne et notamment de l’activité Conseil. A ce titre, nous réalisons des missions variées autour de l’accompagnement stratégique, de la performance opérationnelle et de la maîtrise des risques. Nous déclinons cela sur l’ensemble des domaines d’une entreprise ou d’une organisation, à savoir : les finances, les processus métiers et supports (fournisseurs, clients, ressources humaines…) et les systèmes d’information. Nos équipes Conseil sont aujourd’hui principalement mobilisées sur les thématiques liées aux plans stratégiques et aux business plans, les systèmes d’information et la supply chain.

-Etant donné que vous êtes spécialisé dans les TIC, peut-on connaitre votre avis sur le marché IT en Algérie. Sommes-nous en retard comparés aux autres nations ? Si oui pourquoi ?

-Le marché algérien de l’IT reste prometteur. Les investissements couvrent les architectures réseaux et télécoms ainsi que les logiciels. Des pans entiers sont en cours de réalisation mais le retard pris ne se comble pas aussi rapidement et aisément que cela. Cela nécessite une mobilisation importante de capitaux et de ressources mais aussi d’investir dans l’accompagnement et la formation. Il est incontestable que l’impulsion a été donnée et que des progrès indéniables ont été réalisés. Pour autant, l’économie algérienne reste en retard bien entendu par rapport aux économies matures mais aussi celles de pays émergents. Ainsi, si vous regardez les classements mondiaux sur l’innovation et les TIC, vous constaterez que l’Algérie est encore à la traine.

Les raisons sont bien entendu multiples. D’abord, nous l’avons dit précédemment, du fait du coût que représente ce rattrapage. Mais le facteur financier n’explique pas tout. Il faut également modifier les approches managériales et faire de la formation à ses technologies une priorité. Mais pas seulement en formant des « informaticiens »  (concepteurs ou développeurs) mais en diffusant plus largement les connaissances et en favorisant l’émergence d’une culture de management fondée sur ces nouvelles technologies. L’informatique ne doit plus être perçue et mise en œuvre dans le seul but de produire des données mais bien comme un ensemble de technologies et d’outils au cœur des processus, de l’organisation et de la performance des entreprises. C’est un investissement et non pas une dépense !

-Le thème arrêté pour la dernière édition du Salon Med IT est « Innovation IT », un thème qui vous a inspiré pour aborder, lors de votre intervention, les grandes tendances IT à horizons 2015. Des systèmes d’information qui facilitent la vie aussi bien des dirigeants que des individus. Pouvez-vous nous donner un éclairage sur ce sujet ?

 A l’horizon 2015-2020, le paysage du secteur des TIC devrait s’inscrire dans un contexte de nouvelles infrastructures plus performantes avec notamment :

–          Des composants électroniques encore plus miniaturisés supportant des capacités de calcul plus importantes.

–         Une connectivité internet très haut débit de plus en plus répandue et en mode continu.

–         Des  réseaux tout IP permettant de réduire les coûts et offrant des performances accrues.

–         Une plus grande efficacité énergétique des composants, systèmes et réseaux, optimisant les consommations de ressources ;

–         Une informatique de plus en plus ouverte et en mode « cloud » ;

–         Une proximité très forte avec les métiers à mesure que les TIC deviennent de plus en plus critiques dans leur fonctionnement.

Mais surtout, l’utilisateur doit être au cœur de cette innovation. Il doit être capable d’utiliser les nouveaux produits et services, sans forcément maîtriser l’ensemble des technologies. Les innovations devront donc amener des solutions intuitives centrées sur les usages plus que sur les technologies. L’avènement des nouveaux terminaux numériques tels que les tablettes ou les Smartphones accélèrent d’ailleurs ce mouvement. L’informatique se standardise, se simplifie et à mesure qu’elle se propage dans l’économie et la société devient accessible au plus grand nombre.

-Le monde connait aujourd’hui une expansion des services en ligne et des transactions de paiement électroniques à l’image du e-commerce. Néanmoins ces services n’ont toujours pas vu le jour en Algérie malgré leur utilité. Quels sont selon vous les freins pour le développement du e-commerce ?

-Vous avez raison, l’e-commerce est aujourd’hui devenu un secteur majeur et une source de croissance évidente. Ainsi, mondialement l’e-commerce a atteint un chiffre d’affaires de 705 milliards d’euros en 2011, contre 594 milliards en 2010. Ce chiffre à lui seul démontre l’importance et l’intérêt que revêt désormais ce secteur pour l’économie. Pourquoi alors constatons-nous une telle faiblesse en Algérie ? Si vous me permettez une caricature, parce que l’e-commerce c’est d’abord du commerce et de l’économie numérique qui s’appuie sur du réel ! Pour qu’il prenne son envol il faut que le contexte général soit favorable. Qu’il s’appuie sur des infrastructures performantes mais pas  seulement les réseaux télécoms ou informatiques. Il faut aussi des équipements routiers, ferroviaires, aériens… qui permettent une logistique efficace. Ayons en tête que derrière toute transaction internet sur un bien voire sur certains services, il y a du « réel » : stockage, déstockage, logistique voire marchandises elles-mêmes ! C’est la raison pour laquelle il est important de déplacer le faisceau du projecteur et de regarder au-delà (ou à côté) du seul phénomène de l’Internet. Un e-commerçant ne peut pas réussir si l’économie dans laquelle il évolue n’est pas performante et n’offre pas toutes les conditions et moyens nécessaires à son développement. Promouvoir l’e-économie algérienne, c’est continuer à investir dans les grands équipements logistiques, faciliter l’entrepreneuriat et le financement de ces entreprises mais aussi des équipements individuels pour plus de consommateurs connectés (ordinateurs, réseaux…), lutter contre l’économie parallèle, une fiscalité claire et favorisant l’investissement, etc.

Il faut aussi prioriser et d’abord cibler les grandes zones urbaines où les conditions requises et la clientèle potentielle sont les plus rapidement accessibles. Ne rêvons pas sur un e-commerce étendu à tout le pays et tous les consommateurs. Il faut d’abord que les habitudes de consommation changent avant d’envisager une généralisation du e-commerce. En ce sens, l’adoption de modes de consommation nouveaux avec l’arrivée des grandes surfaces, de chaînes de magasins spécialisés peut vraiment changer la donne. Enfin là-encore, les paiements en ligne ne peuvent se développer que si la monétique progresse, que les paiements par cartes bancaires ou les virements en ligne sont adoptés massivement, qu’ils rassurent et soient efficaces.

-Comment l’adoption des technologies nouvelles peuvent-elles devenir facteur de croissance pour les entreprises ?

-Avant même d’être favorable aux entreprises, c’est bien au développement de l’ensemble d’une économie que ces technologies participent. Les TIC jouent un rôle majeur dans la croissance en assurant une plus grande disponibilité de l’information et en favorisant les échanges. L’impact des TIC va donc bien au-delà du secteur informatique et technologies lui-même avec une contribution forte à la productivité de tous les autres secteurs, en offrant des outils d’échange, de simulation et de stockage de l’information. Les bénéfices des TIC se retrouvent ainsi dans tous les pans de l’économie, du transport (gestion des trajets et des itinéraires), à l’architecture (conception et simulation en 3D) en passant par le commerce (gestion des stocks en temps réel), l’énergie (réseau électrique intelligent) ou la santé (suivi des patients, télémédecine).

Pour l’état lui-même et les services publics, les gains sont également très importants grâce à la dématérialisation et la mise en réseau (Internet). Il est démontré que l’utilisation efficace des produits et services TIC est un véritable accélérateur de compétitivité. De nombreux rapports (FIEEC, Syntec Informatique, AFDEL…) convergent pour démontrer qu’une économie comme la France bien irriguée par les TIC peut générer 1% au moins de croissance supplémentaire du PIB et plus de 500 000 emplois créés ou sauvegardés. Pour une économie comme l’Algérie, on peut raisonnablement penser que ces chiffres peuvent être doublés. C’est donc  un véritable investissement capable de générer des retours importants et rapides.

Si nous revenons aux entreprises, les bénéfices sont clairs. Ces technologies participent à l’amélioration des connaissances par l’échange et la capitalisation des savoirs, favorisent l’innovation par la mise en réseau et l’ouverture, contribuent à améliorer la productivité et assurent un meilleur contrôle et une plus grande maîtrise des risques.

Les nouvelles technologies déjouent les pièges du cloisonnement pyramidal en permettant  à tout acteur d’accéder au pouvoir de la connaissance. Au niveau organisationnel, le passage de l’informatique aux technologies de l’information se traduit par la mutation de l’entreprise taylorienne repliée sur elle-même vers l’entreprise en réseau, ouverte sur ses partenaires, fournisseurs et clients.

Cette transformation en profondeur des processus, permise par les  nouvelles technologies, se situe au niveau stratégique de l’entreprise. Tandis que l’informatique protégeait les savoir-faire, les nouvelles technologies de l’information permettent de les partager. Elles rentrent dans le cœur du métier. Tout projet d’amélioration des performances se conduit alors en utilisant les leviers technologiques.

Parce qu’elles nourrissent le cercle vertueux d’une adaptation réciproque entre processus et système d’information, parce qu’elles ont vocation à la préserver du gaspillage en temps, en argent, en énergie, voire simplement en papier, parce qu’elles donnent toute sa place à l’homme au cœur de l’organisation, les technologies de l’information constituent, pour l’entreprise, une source de progrès et de croissance.