«L’Algérie est un marché d’avenir auquel nous nous intéressons»

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Rencontré lors du Med-IT 2006, le directeur du développement de la division international de l’opérateur historique français, France Télécom, nous livre sa vision sur le marché algérien et son avenir, ainsi que les ambitions du groupe, dans l’accompagnement technologique des opérateurs algériens. (Entretien réalisé par Yazid Ben).
Mobilealgerie.com : Quelle est la vision de France
Télécom du marché algérien ?
 
Bruno Bourgin : le marché algérien est un marché
qui se développe rapidement. On le voit à travers l’explosion du mobile, qui
est passé de 3 à 16 millions de clients en l’espace de 2 ans. Une évolution
exceptionnelle qui traduit bien la volonté de l’Algérie à se relancer, après
les épisodes tragiques qu’elles a connus, et aussi le désir des algériens de
consommer les télécommunications. C’est un marché qui recèle encore des
perspectives de développement extrêmement intéressantes. L’économie algérienne
redémarre, et les télécoms sont un moyen essentiel pour cela. C’est un marché
qui a de l’avenir et auquel nous nous intéressons. Nous sommes présent en tant
qu’opérateur, en apportant notre savoir-faire à des opérateurs et à des
sociétés algériennes. C’est un marché sur lequel nous comptons continuer à
développer nos activités. 
 
Votre présence à ce salon dénote votre intérêt pour le
marché algérien. Avez-vous des projets futurs en Algérie ?                 
Toutes les nouveautés que nous avons exposées au salon, nous
ont permis d’apporter des services qui n’existent pas en Algérie. Nous sommes
aujourd’hui en discussions avec des opérateurs algériens pour valoriser notre
savoir-faire. Pas forcément pour être opérateur nous-mêmes, mais pour établir
des partenariats commerciaux. C’est une autre manière de développement.
Aujourd’hui, nous sommes opérateurs dans 25 pays à travers le monde. Nous ne
sommes pas en Algérie, mais nous cherchons à «tirer» de la valeur de notre
capacité d’innovation. Nous avons 4200 chercheurs à France Télécom. Nous avons
des partenariats qui nous lient aux meilleurs équipementiers du monde, afin de
développer des services ensemble. Nous disposons également de plus de 7 000
brevets. Ainsi, pour nous, utiliser notre savoir-faire avec des partenaires
commerciaux est également un moyen de générer de la valeur.
 
Peut-on avoir un aperçu sur les produits que vous comptez
lancer en Algérie avec l’aide de partenaires.       
Nous activons aujourd’hui en Algérie dans le secteur des
systèmes d’information. Nous avons, à titre d’exemple, fournis à Algérie
Télécom, le système Gaïa pour la gestion de sa clientèle et son parc de
lignes, et tous ce qui est facturation de ces services. C’est un service
fournis par France Télécom par le biais de Sofrecom Algérie. Le système, déjà
installé, est en train de connaître aujourd’hui une importante extension. Nous
avons aussi accompagné d’autres opérateurs dans leur développement : des
prestations de conseils dans différents domaines technique, marketing et
ressources humaines. Ce sont des activités que nous sommes prêts à développer
en Algérie avec l’ensemble des acteurs du secteur. Nous développant également
une activité de conseil au profit des grandes entreprises, dont la plus
importantes est la Sonatrach, à laquelle nous fournissons des conseils sur
l’évolution de ses propres réseaux de communications. Nous avons une palette
de solutions que nous pouvons offrir aux opérateurs algériens. En parallèle,
nous avons le «champ» des coopérations commerciales, comme le contrat avec l’Eapad 
pour l’Internet.
Cela étant, France Télécom est aujourd’hui prêt à passer à la
seconde étape, qui serait de fournir à travers notre solution Livebox, des
moyens pour les opérateurs Internet algériens …
 
Justement donnez-nous un aperçu sur ces services …         
Pour prendre un cas concret, nous avons un partenaire dans un
pays voisin de l’Algérie, dénommé Maroc Connect. Cet opérateur active dans le
service Internet et dans la téléphonie fixe. Nous travaillons avec lui en lui
fournissant des solutions matérielles, comme la Livebox et des solutions
logiciels, tous cela pour aller plus rapidement dans le service qu’il peut
offrir à ses clients marocains. Ces services sont des solutions industrielles
de France Télécom. Nous sommes évidemment rémunéré en tant que pour la mise à
sa disposition de ces solutions. Mais derrière, les services offerts par
l’opérateur sont marocains, sous sa propre marque. Ces services sont appelés à
s’améliorer et faire l’objet d’actualisation. L’opérateur a, dans le cadre de
son contrat avec France Télécom, accès à toutes les actualisations
progressives. Il aura ainsi, sans disposer de sa propre équipe de recherche,
accès à des solutions industrielles, testées et prouvées en Europe de l’Ouest,
puisque ces produits son disponibles aujourd’hui en France, Hollande, Espagne,
Angleterre et en Pologne. L’opérateur dispose de produits qui continuent à se
développer à une grande échelle…
 
Vous avez souligné que France Télécom est en négociation
avec des opérateurs algériens. Peut-on en savoir davantage à ce propos ?
Je préfère ne pas vous répondre sur cette question, puisque
c’est confidentiel, et que nous sommes toujours en phase de discussions …
 
Etes-vous sur le point de signer quelque chose ?
Vous savez tant que ce n’est pas signé, on ne peut pas se
prononcer…
 
Vous avez, l’on se rappelle, soumissionner il y a quelques
années pour l’octroi de la seconde licence de téléphonie mobile en Algérie.
Votre impression aujourd’hui après avoir perdu le marché, notamment au vu du
formidable essor que ce secteur a connu.
Cela peut être considéré comme une occasion ratée. En même
temps, cela est intervenu dans un moment où le groupe France Télécom a connu
un très fort développement à l’international entre 1995 et 2001. Ce n’était
pas pour nous le bon moment pour être en situation de faire une offre
compétitive. Peut être avec le recul, on pourrait dire  qu’aurait été bien en
Algérie plutôt qu’ailleurs. Mais à l’époque il y avait différentes priorités :
on a plus mis l’accent sur le développement en Europe plutôt qu’au Maghreb.
 Est-ce qu’il faut pour cela le regretter ? Je dirais que nous n’avions pas la
possibilité à l’époque de courir tous les lièvres à la fois. Tant mieux pour
Orascom Télécoms, qui par ailleurs, est notre partenaire en Egypte, et qui a
profité de cette occasion pour assurer un développement remarquable de la
téléphonie mobile en Algérie.
 
Comment se porte aujourd’hui le groupe France Télécom ?     
France Télécom se porte mieux qu’il y a deux ans. Entre la fin
2002 et la fin 2005, notre priorité a été de réduire la dette. Nous avons pour
cela entrepris un certain nombre d’actions dont celle d’augmenter l’efficacité
opérationnelle du groupe, pour rembourser 15 milliards d’euros de dettes. Nous
sommes donc actuellement dans une bonne situation financière.
Par ailleurs, nous sommes aujourd’hui face à un triple
challenge, dans les pays à maturité en termes de communications. Il y a des
pays comme l’Algérie, qui ont encore un effort de développement à fournir. La
problématique des régulateurs ici, est d’attribuer des licences et de trouver
des opérateurs qui ont les reins assez solides pour développer des réseaux et
déployer les efforts qu’il faut en marketing pour acquérir des clients.
En Europe de l’Ouest le marché est mature, avec une très forte
croissance. Les régulateurs cherchent à introduire plus de concurrence et pour
cela obligent les opérateurs mobiles et fixes établis, à louer l’accès aux
clients à des tarifs proches des coûts. Par conséquence, les marges
bénéficiaires baissent. Alors que pour développer des technologies il faut
continuer à investir. Nous sommes aussi confronté au challenge technologique.
A titre d’exemple, en France nous sommes passé approximativement sur la Voix
sur IP, de presque 0% en 2004, à 15% à fin 2005. Nous estimons que nous serons
à 40% en 2006…
Le troisième challenge est de satisfaire des clients venus de
l’Internet, qui veulent de la personnalisation, de l’abondance, etc. Tous cela
transcende considérablement la vision des télécoms.
Aujourd’hui, France Télécom est dans 17 pays dans le monde, 12
pays Européens et 11 autres entre Moyen-Orient et Afrique. Mais le plus gros
de notre chiffre d’affaires nous le réalisons en Europe de l’Ouest. Ainsi,
nous sommes confrontés comme je l’ai mentionné à des challenges qui font que
nos marges souffrent, nous nous battons pour notre chiffre d’affaires, et le
client, il faut s’adapter pour le garder, d’où cette focalisation sur les
services. Notre conviction est que nous allons gagner ce pari en proposant à
nos clients une palette de services qui vont leur donner envie de consommer
autre chose…
 
Est-ce que vous croyez qu’en Algérie il y a un engouement
pour ce genre de services comme en Europe ?
Ce sont des choses qui sont devant nous. Aujourd’hui l’Algérie
est dans une phase de déploiement rapide des accès. Je suis sui sûr que Lacom
va réveiller le fixe et qu’Algérie Télécom va se réveiller et aller plus vite
parce qu’il a un concurrent, le secteur du mobile va continuer son expansion.
L’Algérie est actuellement dans une phase de développement. Dans 2 à 3 ans
l’Algérie va avoir le même phénomène de développement que nous avons
aujourd’hui en Europe. D’où ainsi notre intérêt pour apporter ce savoir-faire,
et aider les opérateurs à aller plus vite dans ce virage…